Comment doit-on définir le préjudice sérieux dans un cas de retards fréquents?
Les faits
Lorsqu'un locataire paie son loyer fréquemment en retard, le locateur peut demander la résiliation du bail et l'éviction du locataire, si ces retards lui causent un préjudice sérieux :
Art.1971 C.C.Q. Le locateur peut obtenir la résiliation du bail si le locataire est en retard de plus de trois semaines pour le paiement du loyer ou, encore, s'il en subit un préjudice sérieux, lorsque le locataire en retarde fréquemment le paiement.
Mais quel est le fardeau de preuve du locateur lorsqu'il doit démontrer un préjudice sérieux? Les auteurs font état de la perturbation que subirait le locateur dans l'administration de l'immeuble.(1)
Les démarches constantes
Les mêmes auteurs font également état des démarches constantes et multipliées pour se faire payer, comme des demandes répétées à la Régie du logement afin d'obtenir le paiement du loyer.
Dans l'affaire Cohen c.FDL Cie (2), le témoignage de la représentante de la compagnie a convaincu la Cour que ces retards ont causé un préjudice sérieux. En effet, cette dernière a dû envoyer de nombreux avis au locataire pour lui rappeler ses retards, a dû référer le dossier à ses avocats pour récupérer le loyer dû et ainsi encourir des frais élevés.
Dans l'affaire Leiffer c. Creccal Investments ltd, la Cour du Québec retenait les principes suivants relatifs à un préjudice sérieux: la locataire prétendait que le locateur, étant propriétaire de quelque 1000 appartements, ne peut subir un préjudice sérieux dû uniquement aux retards de la locataire dans le paiement de son loyer. La Cour n'a pas retenu cet argument :
Il découle clairement de la preuve que ces retards pèsent lourdement sur les épaules du locateur dans la gestion de l'immeuble. On n'a qu'à regarder les nombreux avis de loyer impayé et la comptabilité engendrée pour cette locataire seulement, pour se rendre compte du préjudice causé au locateur. De plus, il a été mis en preuve que les employés du locateur ont investi beaucoup de temps et d'énergie à tenter de percevoir le loyer dû de la locataire, et ce, de façon constante et depuis le mois de février 1995... (3)
Enfin la Régie du logement dans l'affaire Garone c. Desforges a conclu :
Le locateur a aussi prouvé que ces retards lui causent un grave préjudice. Il doit faire de nombreux déplacements pour obtenir son dû et afin de déposer les sommes reçues dans son compte de banque. Il doit couvrir les chèques que la banque refuse d'honorer pour insuffisance de fonds dans le compte de locataire. (4)
Des procédures judiciaires
Dans l'affaire O.M.H.M c. Nantel, la Cour du Québec ne croît pas que le fardeau de preuve que doit surmonter un locateur dans un cas de retards fréquents aille jusqu'à démontrer qu'un créancier hypothécaire ait entamé ses procédures contre lui. La cour conclut :
‘‘Sachant ce qu'un recours judiciaire implique comme préoccupation, inquiétude, préparation, déplacements, frais, etc., on ne peut que conclure qu'une démarche judiciaire est un préjudice sérieux, à moins qu'on démontre qu'un locateur a abusé de ses recours, qu'il a entrepris ses recours avec une rapidité telle qu'il n'a pas tenté un règlement. Ici, nous pouvons multiplier la démarche judiciaire par quatre’’. (5)
1- Thérèse Rousseau Houle, le bail du logement : analyse de la jurisprudence, Wilson et Lafleur Ltée, p. 168 s
2- Cohen c. FDL Cie. (1996) J.L. P 260, 261.
3- Leiffer c. Creccal Investments Ltd, C.Q. Montréal, 500-02-044793-961, 1997-04-22 p. 1-2
4- Garone c. Desforges, R.L. Montréal 31-041008-142 G. ou (2004) J,L. 369, 371
5- O.M.H. c. Nantel, (2006) J.L. 255 à 259
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