Certains facteurs cycliques à court terme laissent entrevoir un ralentissement graduel du marché canadien de l'habitation, selon la dernière édition du rapport "Real Estate Trends", publiée par Etudes économiques Scotia. En même temps, des facteurs économiques fondamentaux à long terme, notamment une croissance démographique plus lente, devraient tempérer la demande de logements.
Selon le rapport, on prévoit que le taux annuel moyen d'accroissement de la population va ralentir et atteindre à peine 0,8 % pendant la prochaine décennie, conséquence du vieillissement de la société et des taux de fécondité historiquement bas.
De l'avis d'Adrienne Warren, économiste principale, Banque Scotia, "cette tendance démographique moins favorable ne pose pas en soi un risque majeur pour le marché de l'habitation. La croissance réelle des revenus des ménages et le niveau des taux d'intérêt exercent, statistiquement, une influence plus importante sur les ventes d'habitations et sur la hausse des prix."
Toutefois, la modération attendue de la demande sous-jacente d'habitations se produit à un moment où l'accessibilité économique se situe à un creux cyclique, où les conditions de l'offre deviennent plus équilibrées et où la demande accumulée a été largement satisfaite, ce qui pourrait renforcer les perspectives de ralentissement du secteur.
"Les changements démographiques auront aussi une influence sur le type d'habitation qui sera en demande", a ajouté Mme Warren. "En particulier, l'évolution de la population canadienne selon l'âge et l'importance croissante de l'immigration favoriseront vraisemblablement certains types d'habitations et certaines régions géographiques."
La population canadienne âgée de 25 à 44 ans, qui représente le groupe le plus susceptible de devenir propriétaire d'une habitation une année ou l'autre, devrait augmenter de seulement 2 % ou 195 000 personnes entre 2006 et 2016. Toute la croissance viendra des plus jeunes de cette cohorte (les 25 à 34 ans), ce qui correspond à la maturité de la génération de l'écho. "Ces acheteurs, dont beaucoup sont des célibataires ou de jeunes couples de professionnels, devraient favoriser le maintien d'une demande modérée pour des maisons et condominiums abordables, en particulier dans les centres urbains, à proximité des possibilités d'emploi", explique Mme Warren.
Parallèlement, on prévoit que le nombre de Canadiens âgés entre 35 et 44 ans (essentiellement, les membres de la génération X qui sont beaucoup moins nombreux) déclinera au cours de la même période, en nombre absolu. Ce groupe englobe les premiers acheteurs et les ménages qui en sont à leurs premiers achats dans une catégorie supérieure. Ces personnes sont plus susceptibles d'avoir une jeune famille et, par rapport à la génération qui les suit, elles tendent à privilégier de grandes maisons en banlieue, un secteur de l'immobilier dont le rendement peut laisser à désirer.
En même temps, le nombre de Canadiens âgés entre 45 et 64 ans devrait augmenter de 15 % (1,3 million), tandis que celui des 65 ans et plus bondira de 65 % (1,5 million). Même en tenant compte du niveau plus élevé d'activité des jeunes Canadiens sur le marché de l'habitation, le nombre de ventes liées à des aînés achetant une maison d'une catégorie supérieure ou un logement plus petit pourrait dépasser celui des acheteurs plus traditionnels. Mme Warren a poursuivi en ces termes : "Bien que les styles de vie et les besoins en logement de ces acheteurs plus âgés varient grandement, une population vieillissante devrait préférer les nouvelles constructions aux reventes, les options d'habitation moins exigeantes sur le plan de l'entretien comme les condominiums, les résidences secondaires et les propriétés de vacances, ainsi que les communes urbaines offrant plus de commodités."
"L'immigration jouera également un rôle de plus en plus important dans l'évolution de la demande de logements", précise Mme Warren. "L'immigration constitue la principale source de nouveaux ménages depuis le début des années 1990, et cette tendance s'accélérera au cours de la prochaine décennie à mesure que le taux d'accroissement naturel de la population continuera de diminuer." Le solde migratoire international devrait compter pour plus des deux tiers de la croissance démographique au Canada entre 2006 et 2016, ce qui ne s'était pas vu depuis l'époque où Wilfrid Laurier était premier ministre. L'immigration pourrait constituer l'unique source d'accroissement de la population canadienne vers 2030.
La croissance relativement plus faible des revenus des ménages d'immigrants récents par rapport à ceux des Canadiens de naissance représente peut-être l'une des explications à l'apparente difficulté des premiers à effectuer la transition entre locataire et propriétaire. Il est à espérer que les récentes initiatives politiques visant à évaluer et à reconnaître les titres de compétences professionnelles de l'étranger contribueront à améliorer cette situation. Comparativement aux Canadiens de naissance, les familles immigrantes ont également plus souvent tendance à s'établir dans les grandes villes où les taux d'accession à la propriété sont généralement plus bas et le prix des maisons plus élevé.
Cependant, la forte vague d'immigration depuis le début des années 1990 demeure un important facteur favorable au logement. Les taux d'accession à la propriété augmentent avec la durée de la résidence et se concentrent parmi les personnes nées à l'étranger qui vivent au Canada depuis 10 ans ou plus, ce qui rend compte du temps qu'il faut pour réaliser les économies nécessaires.
"Plus du tiers des personnes nées à l'étranger et résidant dans un grand centre urbain du Canada vivent au pays depuis dix ans ou moins. Cela laisse supposer qu'il existe un important bassin d'acheteurs éventuels prêts à entrer sur le marché immobilier canadien", affirme Mme Warren. "Au cours de la prochaine décennie, l'acheteur type ne sera pas aussi traditionnel que par le passé, et ses caractéristiques sociales et démographiques seront plus diversifiées."
Etudes économiques Scotia propose à sa clientèle une analyse approfondie des facteurs qui façonnent l'avenir du Canada et de l'économie mondiale, notamment l'évolution macroéconomique, les tendances des marchés de change et des capitaux, le rendement des produits de base et de l'industrie, ainsi que les enjeux relatifs aux politiques monétaires, fiscales et gouvernementales.