L'article 1042 du Code civil du Québec établit le principe que sont dites «privatives» les parties des bâtiments et des terrains qui sont la propriété d'un copropriétaire déterminé et dont il a l'usage exclusif. Il s'agira de la demeure du copropriétaire dans la majorité des cas, et dans d'autres les lieux seront occupés par le locataire du copropriétaire. D'ailleurs, l'inviolabilité de la demeure d'une personne est consacrée par l'article 7 de la Charte des droits et libertés de la personne, laquelle est une loi Québecoise. Toutefois, il faut comprendre que le Code civil du Québec régit, en harmonie avec la Charte des droits et libertés de la personne et les principes généraux du droit, les personnes, les rapports entre les personnes, ainsi que les biens. Donc, il est important de comprendre que le droit à l'inviolabilité de la demeure peut connaître certaines limites dans le contexte d'une habitation en copropriété divise régie par le Code civil du Québec et la déclaration de copropriété visant l'immeuble. Sans certaines limites imposées par la loi, le droit à l'inviolabilité de la demeure d'une personne pourrait causer d'importants problèmes de gestion dans le contexte d'une copropriété divise.
Afin de permettre au syndicat de copropriété de réaliser ses buts et objets, c'est à dire la conservation de l'immeuble, l'entretien et l'administration des parties communes, la sauvegarde des droits afférents à l'immeuble ou à la copropriété, ainsi que toutes les opérations d'intérêt commun, les copropriétaires ne peuvent pas s'opposer ni faire obstacle à des travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble. Cette interdiction est consacrée à l'article 1066 du Code civil du Québec, laquelle se lit comme suit:
«Aucun copropriétaire ne peut faire obstacle à l'exécution, même à l'intérieur de sa partie privative, des travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble décidés par le syndicat ou des travaux urgents.
Lorsque la partie privative est louée, le syndicat donne au locataire, le cas échéant, les avis prévus par les articles 1922 et 1931 relatifs aux améliorations et aux travaux.»
Dans les cas où le syndicat doit réaliser des travaux planifiés ou urgents qui s'insèrent dans son devoir de conserver l'immeuble (lequel s'étend ultimement aux parties privatives), le copropriétaire doit permettre au syndicat l'accès à sa partie privative afin d'accéder aux parties communes visées par les travaux (exemple: une dalle de plancher en béton définie comme partie commune par la déclaration de copropriété). Dans d'autres situations, telle un cas de sinistre affectant une ou plusieurs parties communes, un copropriétaire ne pourra pas s'opposer systématiquement à la remise en état des lieux par le syndicat lorsque le fait de laisser cette partie privative dans un tel état risquerait une détérioration des parties communes, et d'autres parties privatives, et donc un préjudice pour les autres copropriétaires et le syndicat.
Nous vous rappelons que l'article 1077 du Code civil du Québec impose au syndicat la responsabilité pour les dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de conception ou de construction ou le défaut d'entretien des parties communes, sans préjudice de toute action récursoire. Afin de pouvoir diminuer l'impact de cette responsabilité, le syndicat doit pouvoir accéder aux parties privatives afin de réparer les dommages causés, et pouvoir de même accéder aux parties communes lorsque ceci est nécessaire afin d'éviter qu'un préjudice ne soit causé au copropriétaire.
Dans les cas urgents nécessitant une intervention rapide afin d'arrêter la cause d'un sinistre (exemple : un tuyau fuyant, lessiveuse qui déborde, etc), ce serait l'intérêt collectif de tous les copropriétaires, donc celui du syndicat, qui aura préséance sur les droits du copropriétaire de cette partie privative. D'ailleurs, la déclaration de copropriété de l'immeuble inclura dans la majorité des cas une clause à l'effet que les membres du conseil d'administration et leurs préposés ont un droit d'accès en tout temps aux parties privatives lorsque la situation est urgente et comporte un risque pour l'immeuble et la sécurité des occupants. Certaines déclarations de copropriété comportent une clause à l'effet d'obliger les copropriétaires à remettre une double clé de leur partie privative au conseil d'administration afin que ceux-ci puissent y accéder en cas d'urgence sans devoir recourir aux services d'un serrurier, ou devoir défoncer la porte d'entrée.
Dans le cas des copropriétaires non-résidents qui concluront un bail avec un locataire, en vertu de l'article 1066 du Code civil du Québec, il revient au syndicat de donner les avis requis par les articles 1922 et 1931 relatifs aux améliorations et aux travaux, lesquels doivent normalement être donnés par le locateur au locataire d'un logement.
Lors de la réalisation des travaux par le syndicat, le copropriétaire qui subit un préjudice par suite de l'exécution des travaux, en raison d'une diminution définitive de la valeur de sa fraction, d'un trouble de jouissance grave, même temporaire, ou de dégradations, a le droit d'obtenir une indemnité qui est à la charge du syndicat si les travaux ont été faits à la demande de celui-ci. Par contre, et surtout dans les cas de sinistres dans lesquels la garantie d'assurance du syndicat est applicable, les frais d'hébergement du copropriétaire qui doit se reloger pendant la réalisation des travaux sont de plus en plus pris en charge par les assurances personnelles des copropriétaires sous la garantie d'assurance habitation de ceux-ci.
Pour le syndicat de copropriété et les membres du conseil d'administration, il est pas contre important de ne pas prendre à la légère le principe de l'inviolabilité de la demeure, car le droit d'entrée dans une partie privative d'un copropriétaire doit s'exercer avec circonspection. Sauf dans des cas manifestement urgents (fuite d'eau, feu, etc.) les membres du conseil et leurs préposés devront s'abstenir de qualifier toute situation «d'urgence» donnant ouverture à l'exercice du droit d'entrée. Le conseil d'administration ou son préposé qui se permet d'entrer dans la partie privative d'un copropriétaire sur une base urgente sans motif valable, pourrait voir leur responsabilité civile personnelle engagée pour avoir brimé sans motif valable, les droits du copropriétaire. Inversement, le copropriétaire qui fait obstacle à l'exécution des travaux nécessaires à la conservation de l'immeuble en refusant l'accès à sa partie privative, lorsque le fait de celui-ci cause préjudice au syndicat, pourrait aussi voir sa responsabilité civile engagée.
Dans tous les cas, n'hésitez pas à communiquer avec notre équipe de juristes pour vous faire conseiller sur les gestes à poser dans les circonstances.