La locataire demande des dommages-intérêts punitifs au montant de 10 000$ pour une reprise de logement de mauvaise foi, des dommages moraux de 2000$ et des dommages matériels de 3120$ plus les intérêts et les frais.
Le bail entre les parties était du 1er juillet 2014 au 30 juin 2015 à 600,00$ de loyer par mois.
L’immeuble en cause compte deux logements. La locataire habitait le logement situé à l’étage, lequel comptait un cinq pièces et demie alors que le propriétaire occupait celui du rez-de-chaussée.
Les faits
Le 10 avril 2015, le propriétaire est autorisé à reprendre possession du logement de la locataire pour y loger son fils Georges pour le 1er juillet 2015 et la locataire a reçu à titre d’indemnité une somme de 3500$.
La locataire soutient que le locateur était de mauvaise foi lorsqu’il a repris son logement et que sa demande avait pour but unique de l’évincer, celui-ci étant irrité des demandes de travaux faites par cette dernière. La demande de reprise datée du 18 novembre 2014 faisait suite au recours en diminution de loyer et dommages qu’elle avait faite à la régie le 16 octobre 2014.
De plus, la locataire doute des interventions du propriétaire puisque durant l’été 2014, il lui avait demandé une augmentation de loyer, ce qui présageait qu’il avait l’intention de reconduire son bail.
Elle prétend que le fils du locateur, Georges, n’a jamais habité le logement. Elle témoigne qu’elle passait souvent devant l’immeuble et qu’elle n’a jamais aperçu de lumière, ni de rideaux aux fenêtres. Elle n’a pas remarqué de portes ouvertes ou de fenêtres ni aucun signe de vie. À l’été 2016, la locataire a vu que le logement avait été loué et que le locateur était déménagé à Laval et elle prétend que tout cela avait été planifié à l’avance. Elle a appris aussi que le propriétaire n’avait pas obtenu l’autorisation requise par la loi avant de relouer le logement. Elle a été dans l’obligation de louer un logement beaucoup plus petit à 860,00$ par mois.
Elle réclame la somme de 3120$, la différence de loyer qu’elle a dû payer pendant les 12 premiers mois qui ont suivi son départ de logement.
Le frère de la locataire témoigne qu’il a accompagné sa sœur chez des amis qui étaient ses voisins avant qu’elle quitte son logement et qu’il a pas remarqué la présence du fils Georges dans le logement.
Preuve du propriétaire
Le propriétaire déclare que son fils a bien emménagé dans le logement de la locataire en juillet 2015. Lui et son épouse lui ont acheté un sofa et un réfrigérateur et il a apporté avec lui un téléviseur, son ordinateur et son mobilier de chambre à coucher. Il y avait seulement un réfrigérateur puisque c’était son épouse qui cuisinait pour son fils et qui lavait sa lessive en bas chez ses parents.
La fille du propriétaire témoigne qu’elle a eu de graves problèmes de santé en janvier 2016 et que ses parents ont eu à se déplacer très souvent jusqu’à Laval, où elle habite. Elle témoigne aussi qu’elle a rendu visite souvent à son frère Georges durant l’année 2015 à son logement situé au-dessus du logement de ses parents. Le propriétaire témoigne qu’en 2016, dans le but de se rapprocher de leur fille et de lui apporter leur soutien et leur aide, lui et son épouse ont décidé d’acheter une maison à Laval. Ils ont fait une offre le 29 mai 2016 et ont acheté leur nouvelle demeure le 10 août 2016.
La maison achetée est beaucoup plus grande que le logement qu’il occupait dans le duplex avec son épouse. Ainsi, leur fils qui travaille au commerce de son père situé aussi à Laval a décidé de revenir vivre avec ses parents. Le propriétaire témoigne que cela n’était pas du tout planifié. Il a reloué le logement que son fils occupait le 1er juillet 2016 à un loyer mensuel de 900$, ignorant qu’il devait demander une autorisation préalable à la Régie du logement. Sa conjointe a corroboré la version du propriétaire en témoignant à l’audience.
Le fils témoigne qu’il n’a pas cru bon de changer son adresse puisque le courrier arrivait en bas chez ses parents. Par contre, il a donné l’adresse du logement lors de ses déclarations de revenus et à Hydro Solution.
Le fils Georges explique à l’audience qu’il a décidé de retourner vivre chez ses parents lorsqu’ils ont acheté la maison à Laval puisque celle-ci était beaucoup plus grande et qu’il pouvait avoir son intimité, ce qu’il n’avait pas lorsqu’il vivait avec ses parents en bas dans le duplex. Aussi, il se rapprochait considérablement de son travail et de sa sœur qui vivait à Laval. Un ami de Georges est venu témoigner qu’il avait visité à plusieurs reprises Georges pour écouter des matchs de hockey à la télé, à son logement du duplex.
La décision de la Régie
La Régie du logement cite une décision qui précise le fardeau de preuve auquel doit satisfaire un locataire pour obtenir des dommages lors d’une reprise de mauvaise foi :
" l’article C.C.Q fonde le principe selon lequel la bonne foi se présume toujours.
L’article 2803 C.C.Q pose la règle que celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
À la lumière de ces articles, il appartient donc au demandeur qui prétend avoir droit aux dommages et intérêts à l’article 1968 de démontrer la mauvaise foi de son locateur. En vertu de l’article 2805, ce fardeau s’avère plus lourd puisqu’il s’agit de combattre une présomption légale. Quelle preuve est nécessaire à l’établissement de la mauvaise foi du locateur sous article C.C.Q?
La mauvaise foi s’entend d’une intention malicieuse, ici de contourner la législation en matière d’habitation, notamment le principe du droit au maintien dans les lieux.
Le simple fait que le bénéficiaire de la reprise n’habite pas dans le logement ne suffit toutefois pas, à lui seul , à cristalliser la mauvaise foi. Le concept de mauvaise foi oblige le tribunal à pénétrer dans le domaine de la subjectivité et pour cela, il est nécessaire, pour statuer en toute probabilité, d’apprécier l’ensemble des faits et circonstances entourant le litige ".¹
Dans le cas sous étude, la Régie juge que la preuve ne lui permet pas de conclure que la reprise de logement de la locataire fut obtenue de mauvaise foi. La preuve soumise peut soulever des doutes et un questionnement, mais selon la Régie ces doutes à eux seuls ne sont pas suffisants pour conclure à la mauvaise foi du locateur. Le tribunal juge que les témoins entendus en défense y compris le locateur ont témoigné avec sincérité, concordance et crédibilité :
"Le tribunal croit que le fils du locateur a habité le logement en cause, mais que les projets du locateur et de sa famille ont changé suite au problème grave de santé de sa fille Catherine.
Comment en l’instance, il arrive que les circonstances de la vie, l’arrivée de faits nouveaux et significatifs nous forcent à revoir nos plans ou à les modifier sans qu’il n’y ait l’ombre d’intentions empreinte de mauvaise foi."²
La Régie du logement conclut que le locateur n’a pas exercé la reprise du logement concerné de mauvaise foi. Quant à l’absence d’autorisation pour relouer ledit logement, cela ne démontre ou ne traduit pas la mauvaise foi d’un locateur.
Adhérez dès maintenant
Pas encore membre de l'APQ ?
Profitez de tous nos services en vous inscrivant dès maintenant