Le locataire était lié par un bail pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2008. Il est décédé dans le logement le 15 octobre 2007. Le locataire habitait seul dans son logement. Suite au décès du locataire dont le cadavre fut découvert plusieurs mois plus tard, le locateur a dû faire des travaux de nettoyage du logement et de désinfection en plus de changer les tapis et de peinturer le logement.
Le propriétaire déclare que le logement était devenu inhabitable à cause des odeurs nauséabondes qui se sont imprégnées dans le logement et qui, un an plus tard, persistent encore. Il n’a donc pas remis le logement en location avant le mois de septembre 2008, soit un an plus tard. Le propriétaire réclame donc la perte du loyer subie depuis novembre 2007 jusqu’au 30 juin 2008 à la fin du bail puisque la succession n’a jamais donné un avis de terminaison du bail en vertu de l’article 1938 du Code civil du Québec.
La Cour doit donc décider si les héritiers de la personne décédée sont responsables des loyers impayés et des dommages résultant du décès dans les circonstances relatées ci-haut.
Les dommages du logement
Il faut demander si le décès du locataire constitue un cas fortuit tel que définit par la doctrine1:
« Tout comme en matière contractuelle, la force majeure doit posséder, pour être reconnue comme telle, les caractères d’imprévisibilité, d’irrésistibilité et le principe d’extériorité, même si la reconnaissance stricte de ce dernier par la jurisprudence québécoise soit parfois mise en question. »
Les auteurs et la jurisprudence s’entendent sur le fait que le décès doit être considéré comme un cas fortuit. La Cour du Québec a déjà tranché un litige semblable :
« Feu Joseph Keenan ne pouvait sûrement pas connaître à l’avance la date et les circonstances de son décès ainsi que prévoir les inconvénients qui découleraient de la présence de son cadavre, à l’insu de tous, durant quelques mois dans son logement. Dans le cas d’espèce, qu’elle fut la négligence manifestée par Joseph Keenan, de son vivant, qui serait génératrice de responsabilité de sa part pour les dommages causés au logement des demandeurs.2 »
Une personne décédée est incapable de commettre une faute. Deux décisions de la Régie du logement ont décidé dans ce sens.3 La mort est en soi un événement prévu mais la date précise du décès demeure cependant imprévisible à laquelle il est impossible de résister. La Cour a rejeté la demande de dommages et intérêts.
La demande de loyers impayés
Qu’en est-il maintenant de la réclamation pour loyers impayés? Même si le logement était impropre à l’habitation, aucun avis de déguerpissement n’a été expédié au locateur. Dans le présent cas, non seulement n’y a-t-il pas eu déguerpissement mais le cadavre du locataire est resté dans les lieux pendant plusieurs mois.
De fait, la loi prévoit de quelle façon les héritiers du locataire peuvent se soustraire à leurs obligations en vertu de l’article 1938 du C.c.Q qui prévoit que la succession peut résilier le bail en donnant un avis de trois mois au locateur. Ce moyen n’ayant pas été exercé par la succession, le Tribunal doit donc faire droit à la demande du locateur, soit les loyers des mois de novembre 2007 au 30 juin 2008.
1 Jean-Louis BEAUDOIN, La responsabilité civile, 1994, p. 296.
2 Florent c. Héritiers de Joseph Keenan, 1976, c.p. p. 422.
3 Placements Cijac inc. c. Succession de Daneau R.L 37 920520 010 G; Leduc c. Succession de Dolain (1996) J.L. p.152.