Lorsque vient le temps de rénover un logement, plusieurs propriétaires d’immeuble sont pris au dépourvu ou constatent à leur dépends que les lois, les conventions collectives et les règlements de l’industrie de la construction régissent aussi les travaux devant être effectués sur un immeuble locatif… Mais comment démêler le tout?
Parmi toute la règlementation applicable, une loi encadrant l’industrie a un impact majeur sur les travaux s’appliquant à un bâtiment résidentiel locatif. Il s’agit de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction (la «loi R-20»).
Dès le départ, souvenez vous qu’en principe, tous les travaux pouvant être exécutés sur un chantier de construction sont assujettis à la loi R-20, puisqu’ils entrent dans la définition générale du mot « construction » qui définit le champ d’application de cette même loi :
«construction»: les travaux de fondation, d'érection, d'entretien, de rénovation, de réparation, de modification et de démolition de bâtiments et d'ouvrages de génie civil exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied d'œuvre, y compris les travaux préalables d'aménagement du sol
Par conséquent, tel que prévu par la loi, les activités définies ci-dessus doivent obligatoirement être effectuées par des salariés possédant un certificat de compétence émis par la Commission de la Construction du Québec (CCQ) et embauchés par une entreprise détenant la licence d’entrepreneur appropriée émise par la Régie du Bâtiment du Québec (RBQ).
Si l’assujettissement constitue le principe de base de l’application de la loi R-20, certaines exceptions ont par ailleurs été prévues pour exclure du champ d’application des travaux spécifiques, exécutés dans un cadre ou des conditions bien précises.
Pour bien saisir la portée de ces exceptions et ainsi identifier les travaux qui peuvent être exécutés par le propriétaire lui-même, par l’un de ses salariés ou par l’entremise d’un entrepreneur et ce, sans être assujetti à la réglementation et aux conventions collectives découlant de la loi R-20, nous vous proposons dans les lignes qui suivent 5 mises en situations tirées de cas vécus s’appliquant à des projets de construction exécutés sur des immeubles à logements.
Situation A
En plus de son emploi régulier de dentiste exploitant son propre cabinet, M. Bertrand est personnellement propriétaire de plusieurs immeubles locatifs. Pour l’aider dans la gestion de ses immeubles, il a embauché récemment un concierge qui s’occupe de faire les menus travaux dans ses bâtiments, tel que la peinture, les réparations de plâtre, le cirage des planchers, etc. Son concierge n’a pas de certificat de compétence de la CCQ, mais M. Bertrand se rend vite compte que c’est une personne très habile de ses mains… M. Bertrand a-t-il le droit de faire exécuter dans ses bâtiments locatifs des travaux mineurs par son concierge ?
Réponse : OUI.
La loi R-20 exclut ce type de travaux mineurs, lorsqu’ils sont exécutés par des salariés permanents, embauchés par un employeur autre qu’un « employeur professionnel ». Au sens de la loi R-20, un «employeur professionnel» est un employeur dont l’activité principale est d’effectuer des travaux de construction et qui emploie habituellement des salariés pour un genre de travail qui fait l’objet d’une convention collective. Si la majorité des activités de votre entreprise n’est pas reliée à la construction, vous n’êtes pas un employeur professionnel. C’est le cas de M. Bertrand, en supposant qu’il est lui-même propriétaire des immeubles (il n’est pas propriétaire via une entreprise). Vous avez donc le droit d’embaucher de façon permanente, sur votre registre de paie régulier, un salarié qui n’est pas un salarié régulier de l’industrie de la construction, et celui-ci peut effectuer des travaux mineurs d’entretien et de réparation, soit :
1. Réparation : La réparation constitue une action posée à la suite d’une diminution ou de la cessation de l’utilisation d’un bien, à cause d’une détérioration par manque d’entretien ou par la vétusté (âge) de l’objet. Ex : Réparer un trou dans un mur de gypse.
2. Entretien : Travaux qui sont exécutés sur une base plus ou moins régulière avec une fin préventive, justement pour éviter la détérioration ou l’usure d’un bien. Ex : Rafraichir la peinture des murs.
Situation B
M. Gendron possède un duplex et il habite lui-même le premier loyer du rez-de-chaussée. Avec l’âge avancé du bâtiment, M. Gendron songe à remplacer lui-même ses propres armoires de cuisines dans son logement. A-t-il le droit ?
Réponse : OUI,
La loi permet au propriétaire d’un logement, au même titre que le propriétaire d’une maison unifamiliale, d’effectuer des travaux d’entretien, de réparation, de rénovation et de modification dans le logement qu’il habite. M. Gendron peut donc remplacer ses propres armoires. Cependant, lorsque des travaux similaires sont faits dans le logement du locataire, puisque ce ne sont pas des travaux d’entretien et réparation mineurs exécutés par le concierge (voir mise en situation précédente) et puisque cet espace est loué à des fins lucratives, il faut alors faire exécuter les travaux de rénovation et de modification par un entrepreneur détenant une licence émise par la RBQ et des salariés détenant des certificats de compétence valides pour les métiers requis.
3. Rénovation : Dans le cas d’une rénovation, il est question de tâches exécutées en vue d’améliorer ou de moderniser un bien ou une structure, sans toutefois en changer la finalité ou l’usage auquel il est destiné. Ex : Changer le vieux parement extérieur en vinyle pour mettre du Canexel.
4. Modification : Contrairement à la rénovation, la modification se traduit par des changements structuraux apportés à un bâtiment, une pièce ou une structure, pour répondre à un nouvel usage. Ex : On sépare une chambre en deux pièces distinctes pour créer un salon de lecture.
Situation C
M. Richard possède un édifice de quatre logements. Suite aux abondantes pluies printanières, il se rend compte que la toiture du bâtiment, construit il y a 30 ans, est à refaire. Pas de problème. M. Richard prévoit faire les travaux la semaine prochaine avec son beau-frère, qui a déjà fait par le passé ce genre de travaux de couverture sur son propre duplex. M. Richard et sa famille sont-ils en droit de faire leurs travaux ?
Réponse : NON,
Lorsqu’il s’agit de travaux sur les parties communes d’un immeuble à revenu, les travaux doivent obligatoirement être effectués par un entrepreneur détenant une licence émise par la RBQ et des salariés détenant des certificats de compétence valides. Plusieurs autres types de travaux de modification et de rénovation sur les parties communes d’un immeuble sont soumis aux mêmes conditions. C’est par exemple le cas des travaux de changement des drains, de modification du revêtement extérieur ou du remplacement des portes et fenêtres.
Situation D
Mme. Lamothe est personnellement propriétaire d’un triplex et elle habite le logement du haut. Avec l’arrivée de l’été, elle désire faire construire un garage double dans le fond de la cour arrière. Peut-elle effectuer les travaux elle-même ?
Réponse : OUI
Par ailleurs, la loi R-20 vient apporter quelques conditions… Si le garage ne sert qu’aux fins personnelles du propriétaire, alors les travaux ne sont pas régis par la loi, au même titre que les travaux de construction d’une remise adjacente à une maison unifamiliale habitée, pour les fins personnelles et non lucratives du propriétaire.
Par contre, si une partie du garage sert aussi d’entreposage aux locataires, alors les travaux devront être effectués par un entrepreneur détenant une licence émise par la RBQ avec des salariés détenteurs des certificats de compétences requis, puisque le garage ne sert plus pour les fins exclusives et personnelles du propriétaire.
Situation E
M. Dupont est propriétaire d’un duplex et il habite le loyer du rez-de-chaussée. Il souhaite construire un garage attenant à son immeuble pour ses fins personnelles et non lucratives, mais avec une chambre au dessus pour que son fils puisse y résider durant l’été. Peut-il exécuter lui-même les travaux avec l’aide de son locataire du haut ?
Réponse : NON
Dans le cas présent, on augmente indirectement la superficie habitable de l’immeuble en créant un espace au dessus du garage. Il n’est plus question de travaux d’entretien, de réparation, de modification ou de rénovation; on construit plutôt une partie neuve. Puisque la globalité des travaux de construction du garage comprend une partie qui est assujettie à la loi R-20, l’ensemble du projet devra être confié à un entrepreneur en règle, embauchant des salariés détenteurs de certificats de compétence.
En résumé, afin de ne pas vous retrouver dans l’eau chaude, il est impératif de prendre en considération certains aspects légaux avant d’entreprendre des travaux sur des bâtiments avec des espaces locatifs. Selon les travaux que vous allez effectuer, il se peut que la loi R-20 prévoit une exception vous permettant d’exécuter vos tâches vous-mêmes, ou avec un de vos salariés permanent qui n’est pas un travailleur de l’industrie de la construction.
Le problème, c’est que cette loi, comme bien d’autres, comporte son lot de pièges. Elle peut paraître très austère pour un œil non avisé. Certains termes utilisés couramment peuvent avoir un sens insoupçonné et engendrer un impact important sur vos obligations et sur le coût de votre projet.
Marie-Claude Tremblay
Conseillère en relation du travail
APCHQ
Parmi toute la règlementation applicable, une loi encadrant l’industrie a un impact majeur sur les travaux s’appliquant à un bâtiment résidentiel locatif. Il s’agit de la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main d’œuvre dans l’industrie de la construction (la «loi R-20»).
Dès le départ, souvenez vous qu’en principe, tous les travaux pouvant être exécutés sur un chantier de construction sont assujettis à la loi R-20, puisqu’ils entrent dans la définition générale du mot « construction » qui définit le champ d’application de cette même loi :
«construction»: les travaux de fondation, d'érection, d'entretien, de rénovation, de réparation, de modification et de démolition de bâtiments et d'ouvrages de génie civil exécutés sur les lieux mêmes du chantier et à pied d'œuvre, y compris les travaux préalables d'aménagement du sol
Par conséquent, tel que prévu par la loi, les activités définies ci-dessus doivent obligatoirement être effectuées par des salariés possédant un certificat de compétence émis par la Commission de la Construction du Québec (CCQ) et embauchés par une entreprise détenant la licence d’entrepreneur appropriée émise par la Régie du Bâtiment du Québec (RBQ).
Si l’assujettissement constitue le principe de base de l’application de la loi R-20, certaines exceptions ont par ailleurs été prévues pour exclure du champ d’application des travaux spécifiques, exécutés dans un cadre ou des conditions bien précises.
Pour bien saisir la portée de ces exceptions et ainsi identifier les travaux qui peuvent être exécutés par le propriétaire lui-même, par l’un de ses salariés ou par l’entremise d’un entrepreneur et ce, sans être assujetti à la réglementation et aux conventions collectives découlant de la loi R-20, nous vous proposons dans les lignes qui suivent 5 mises en situations tirées de cas vécus s’appliquant à des projets de construction exécutés sur des immeubles à logements.
Situation A
En plus de son emploi régulier de dentiste exploitant son propre cabinet, M. Bertrand est personnellement propriétaire de plusieurs immeubles locatifs. Pour l’aider dans la gestion de ses immeubles, il a embauché récemment un concierge qui s’occupe de faire les menus travaux dans ses bâtiments, tel que la peinture, les réparations de plâtre, le cirage des planchers, etc. Son concierge n’a pas de certificat de compétence de la CCQ, mais M. Bertrand se rend vite compte que c’est une personne très habile de ses mains… M. Bertrand a-t-il le droit de faire exécuter dans ses bâtiments locatifs des travaux mineurs par son concierge ?
Réponse : OUI.
La loi R-20 exclut ce type de travaux mineurs, lorsqu’ils sont exécutés par des salariés permanents, embauchés par un employeur autre qu’un « employeur professionnel ». Au sens de la loi R-20, un «employeur professionnel» est un employeur dont l’activité principale est d’effectuer des travaux de construction et qui emploie habituellement des salariés pour un genre de travail qui fait l’objet d’une convention collective. Si la majorité des activités de votre entreprise n’est pas reliée à la construction, vous n’êtes pas un employeur professionnel. C’est le cas de M. Bertrand, en supposant qu’il est lui-même propriétaire des immeubles (il n’est pas propriétaire via une entreprise). Vous avez donc le droit d’embaucher de façon permanente, sur votre registre de paie régulier, un salarié qui n’est pas un salarié régulier de l’industrie de la construction, et celui-ci peut effectuer des travaux mineurs d’entretien et de réparation, soit :
1. Réparation : La réparation constitue une action posée à la suite d’une diminution ou de la cessation de l’utilisation d’un bien, à cause d’une détérioration par manque d’entretien ou par la vétusté (âge) de l’objet. Ex : Réparer un trou dans un mur de gypse.
2. Entretien : Travaux qui sont exécutés sur une base plus ou moins régulière avec une fin préventive, justement pour éviter la détérioration ou l’usure d’un bien. Ex : Rafraichir la peinture des murs.
Situation B
M. Gendron possède un duplex et il habite lui-même le premier loyer du rez-de-chaussée. Avec l’âge avancé du bâtiment, M. Gendron songe à remplacer lui-même ses propres armoires de cuisines dans son logement. A-t-il le droit ?
Réponse : OUI,
La loi permet au propriétaire d’un logement, au même titre que le propriétaire d’une maison unifamiliale, d’effectuer des travaux d’entretien, de réparation, de rénovation et de modification dans le logement qu’il habite. M. Gendron peut donc remplacer ses propres armoires. Cependant, lorsque des travaux similaires sont faits dans le logement du locataire, puisque ce ne sont pas des travaux d’entretien et réparation mineurs exécutés par le concierge (voir mise en situation précédente) et puisque cet espace est loué à des fins lucratives, il faut alors faire exécuter les travaux de rénovation et de modification par un entrepreneur détenant une licence émise par la RBQ et des salariés détenant des certificats de compétence valides pour les métiers requis.
3. Rénovation : Dans le cas d’une rénovation, il est question de tâches exécutées en vue d’améliorer ou de moderniser un bien ou une structure, sans toutefois en changer la finalité ou l’usage auquel il est destiné. Ex : Changer le vieux parement extérieur en vinyle pour mettre du Canexel.
4. Modification : Contrairement à la rénovation, la modification se traduit par des changements structuraux apportés à un bâtiment, une pièce ou une structure, pour répondre à un nouvel usage. Ex : On sépare une chambre en deux pièces distinctes pour créer un salon de lecture.
Situation C
M. Richard possède un édifice de quatre logements. Suite aux abondantes pluies printanières, il se rend compte que la toiture du bâtiment, construit il y a 30 ans, est à refaire. Pas de problème. M. Richard prévoit faire les travaux la semaine prochaine avec son beau-frère, qui a déjà fait par le passé ce genre de travaux de couverture sur son propre duplex. M. Richard et sa famille sont-ils en droit de faire leurs travaux ?
Réponse : NON,
Lorsqu’il s’agit de travaux sur les parties communes d’un immeuble à revenu, les travaux doivent obligatoirement être effectués par un entrepreneur détenant une licence émise par la RBQ et des salariés détenant des certificats de compétence valides. Plusieurs autres types de travaux de modification et de rénovation sur les parties communes d’un immeuble sont soumis aux mêmes conditions. C’est par exemple le cas des travaux de changement des drains, de modification du revêtement extérieur ou du remplacement des portes et fenêtres.
Situation D
Mme. Lamothe est personnellement propriétaire d’un triplex et elle habite le logement du haut. Avec l’arrivée de l’été, elle désire faire construire un garage double dans le fond de la cour arrière. Peut-elle effectuer les travaux elle-même ?
Réponse : OUI
Par ailleurs, la loi R-20 vient apporter quelques conditions… Si le garage ne sert qu’aux fins personnelles du propriétaire, alors les travaux ne sont pas régis par la loi, au même titre que les travaux de construction d’une remise adjacente à une maison unifamiliale habitée, pour les fins personnelles et non lucratives du propriétaire.
Par contre, si une partie du garage sert aussi d’entreposage aux locataires, alors les travaux devront être effectués par un entrepreneur détenant une licence émise par la RBQ avec des salariés détenteurs des certificats de compétences requis, puisque le garage ne sert plus pour les fins exclusives et personnelles du propriétaire.
Situation E
M. Dupont est propriétaire d’un duplex et il habite le loyer du rez-de-chaussée. Il souhaite construire un garage attenant à son immeuble pour ses fins personnelles et non lucratives, mais avec une chambre au dessus pour que son fils puisse y résider durant l’été. Peut-il exécuter lui-même les travaux avec l’aide de son locataire du haut ?
Réponse : NON
Dans le cas présent, on augmente indirectement la superficie habitable de l’immeuble en créant un espace au dessus du garage. Il n’est plus question de travaux d’entretien, de réparation, de modification ou de rénovation; on construit plutôt une partie neuve. Puisque la globalité des travaux de construction du garage comprend une partie qui est assujettie à la loi R-20, l’ensemble du projet devra être confié à un entrepreneur en règle, embauchant des salariés détenteurs de certificats de compétence.
En résumé, afin de ne pas vous retrouver dans l’eau chaude, il est impératif de prendre en considération certains aspects légaux avant d’entreprendre des travaux sur des bâtiments avec des espaces locatifs. Selon les travaux que vous allez effectuer, il se peut que la loi R-20 prévoit une exception vous permettant d’exécuter vos tâches vous-mêmes, ou avec un de vos salariés permanent qui n’est pas un travailleur de l’industrie de la construction.
Le problème, c’est que cette loi, comme bien d’autres, comporte son lot de pièges. Elle peut paraître très austère pour un œil non avisé. Certains termes utilisés couramment peuvent avoir un sens insoupçonné et engendrer un impact important sur vos obligations et sur le coût de votre projet.
Marie-Claude Tremblay
Conseillère en relation du travail
APCHQ